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Thèse

"Environnement et Management Stratégique des PME :
le cas du secteur Internet"
par Gaël GUEGUEN, Université Montpellier I

 

INTRODUCTION


L'entreprise américaine eToys, créée en 1998, s'est spécialisée dans la vente de jouets en ligne et avait pour concurrent principal Toys R Us. D'une cotation boursière de 84 $ fin 1999, elle passa à une valeur de 0,20 $ début 2001. Quelques semaines plus tard, elle dut cesser son activité pour cause de mauvais résultats. En France, nous pouvons retrouver le même schéma d'insuccès avec l'entreprise Abcool qui fut lancée en novembre 1999 et s'arrêta de fonctionner en mars 2001. Pour quelles raisons ces entreprises, aux stratégies ambitieuses, se sont-elles retrouvées en situation d'échec ?

L'une des premières explications peut se retrouver dans la qualité des méthodes de management. Il semblerait que des prévisions trop optimistes et des erreurs de gestion aient entravé le bon fonctionnement des ces jeunes entreprises.
Une deuxième explication serait de penser que le secteur de la distribution du jouet est un secteur mature au sein duquel la concurrence est intense. L'environnement n'est pas favorable à l'adoption de nouvelles stratégies ou à la création de nouvelles entreprises. Les ressources détenues par celles-ci ne s'avéraient pas suffisamment spécifiques et importantes pour permettre la pérennité de leur fonctionnement.

Pourtant, le secteur de la distribution, que nous estimons fortement concentré, a vu éclore une entreprise Internet (Amazon) qui a introduit une nouvelle conception du métier, en se spécialisant d'abord sur les livres puis en s'orientant d'une façon plus générale en inventant certaines relations de partenariat. Nous ne pouvons, pour autant, statuer quant à l'avenir d'Amazon mais pourtant, nous remarquerons qu'Internet recèle de nombreuses opportunités exploitables par l'entreprise et permettant l'émergence de comportements entrepreneuriaux.

Nous pourrions donner plusieurs autres exemples d'entreprises qui ont su rentrer dans une logique de transformation de leur environnement. Toutes n'ont pas été des réussites mais plusieurs ont dessiné les contours de leur activité (Yahoo, eBay,...). Il semblerait donc, que l'influence du contexte ne soit pas à sens unique. D'où notre questionnement de savoir si l'environnement, envisagé comme l'ensemble des facteurs externes à l'entreprise, a une influence capitale sur la stratégie de l'entreprise. Cette influence pourra se retrouver tant dans le choix de la stratégie que dans l'obtention de la performance. Ce débat n'est pas récent, il a fait l'objet de plusieurs réflexions souvent basées sur l'opposition.


Les tenants de la relation environnement - stratégie

D'un côté, il y a l'école déterministe avec ses acceptions diverses (Lawrence et Lorsch, 1967 ; Hannan et Freeman, 1977 ; Miller, 1986 ; Mintzberg, 1989) qui, en partant d'une réflexion sur la structure organisationnelle, débouchent sur l'idée que pour un environnement particulier, il faut une stratégie particulière (Hambrick et Lei, 1985). Cette perspective se retrouve dans la théorie de l'économie industrielle (Porter, 1980) pour laquelle un ensemble de forces exogènes à l'entreprise va déterminer le taux de profit et ainsi le type de stratégie à adopter. D'autre part, les perspectives volontaristes (Child, 1972, 1997 ; Miles et Snow, 1978 ; Bourgeois, 1984 ; Smircich et Stubbart, 1985) laissent entrevoir une liberté de choix et d'action de la part de l'entreprise, voire de représentation. L'environnement n'est pas vu comme le seul élément permettant de retenir une stratégie. La théorie des ressources (Wernerfelt, 1984 ; Hamel et Prahalad, 1989) en découle implicitement puisqu'elle accorde à l'entreprise la possibilité d'être performante en fonction de l'agencement de ses capacités et non en fonction d'un meilleur alignement (fit) stratégique.

Mais ce débat n'a pas trouvé d'issues allant dans un sens ou dans l'autre. Des perspectives plus modérées ont vu jour (Astley et van de Ven, 1983, Hrebiniak et Joyce, 1985) et ont entraîné un ensemble de tests (Lawless et Finch, 1989 ; Marlin, Lamont et Hoffman, 1994 ; Mc Arthur et Nystrom, 1991, Prescott, 1986) ou de réflexions (Ginsberg et Venkatraman, 1985 ; Venkatraman, 1989 ; Drazin et Van de Ven, 1985) acceptant ou rejetant partiellement l'influence de l'environnement. Au demeurant, les pistes sous-jacentes nous permettent de concevoir la notion de volontarisme selon deux aspects : l'un portant sur la proactivité qui envisage la capacité de transformer l'environnement, et l'autre concernant l'anti-déterminisme qui inclut l'idée que l'entreprise est libre de choisir sa stratégie pour un même niveau de performance.


Quels aboutissants pour les PME de la nouvelle économie ?

Cependant, un consensus semble être trouvé lorsque l'entreprise est de petite taille. En raison de son manque de capacité, la PME subit les contraintes de l'environnement (Julien et Marchesnay, 1988). Les stratégies les plus appropriées sont celles de suivi de l'environnement. La PME doit pouvoir utiliser son désavantage (petite taille) en atout (flexibilité). En conséquence, elle ne peut ni modifier l'environnement, ni se démarquer de son influence, tout au plus peut-elle en gérer les désagréments. Pourtant, comme le remarque Marchesnay (2001), "[i]l est trivial d'affirmer que le pouvoir de marché des PME est faible. Une telle conception, véhiculée par les tenants de la grande firme "manageriale", est en voie d'être battue en brèche dans maints secteurs de la nouvelle économie". Une conception de la PME semble se modifier.

Pour autant, quel est l'intérêt de réfléchir à une problématique ancienne ? Qu'espérons nous apporter de nouveau dans la compréhension des stratégies des entreprises en nous penchant sur la thématique de la relation environnement - stratégie ? Notre avis est que cette relation a été trop rapidement envisagée comme déterminée dans la littérature en PME. De plus, elle n'a pas été encore envisagée pour les entreprises liées à la nouvelle économie. En effet, nous souhaitons pouvoir examiner la problématique du fit stratégique en fonction de deux orientations :

- Le cas des PME. La question du choix stratégique des entreprises de petite taille est par trop souvent délaissée au profit de thèses prônant la contrainte de l'environnement. Envisagée sous l'angle des ressources détenues, l'analyse stratégique des PME se confine fréquemment dans une perspective de suivi, voire de soumission, à l'environnement. Pourtant, nous estimons que l'utilisation et la détention de ces ressources sont envisagées sous un aspect par trop réducteur.

En effet, nous pensons que la PME peut être envisagée sous l'angle d'approche volontariste. En raison de la proximité de son environnement (Pikhala; 1996 ; Torrès, 2000b), de la mise en place de stratégies réticulaires (Paché, 1996 ; Puthod, 1995), de l'importance du dirigeant et de sa vision (Marchesnay, 1997 ; Paturel, 1997b ; Nkongolo-Bakenda et al., 1994 ; d'Amboise et al., 2000), de la possibilité d'adopter une stratégie entrepreneuriale (Merz et Sauber, 1995 ; Miller, 1993), nous estimons que la perspective du fatalisme environnemental, envisageant l'environnement comme une contrainte, doit être reconsidérée au profit de l'émancipation environnementale, incluant une approche volontariste pour la PME.

Les intérêts de la validation de l'anti-déterminisme pour les PME concerneront prioritairement les actions stratégiques effectuées par les dirigeants. En effet, nous pourrons penser que les choix ne doivent pas être uniquement axés sur les états de l'environnement. De ce fait, si nous parvenons à montrer la viabilité de la capacité d'autodétermination des entreprises de petite taille, nous admettrons le principe que les PME peuvent être performantes en raison du développement de leurs ressources propres plutôt que de rechercher l'alignement systématique avec l'environnement.

- Le cas de l'Internet. Notre souhait est de pouvoir travailler l'étude de la relation stratégie - environnement dans un contexte où les évolutions des états de l'environnement sont a priori élevées. Il nous semble qu'un secteur d'activité de la "nouvelle économie" peut idéalement convenir à nos investigations. En conséquence, nous avons décidé de prendre pour champ d'étude les PME Internet. Nous souhaitons également utiliser notre travail dans une perspective exploratoire pour un secteur d'activité qui, du fait sa jeunesse, connaît, pour l'heure, un nombre insuffisant de travaux scientifiques. Outre le fait d'analyser le rapport unissant l'entreprise de petite taille à son milieu environnant, nous pourrons réfléchir aux spécificités d'un terrain pour lequel une littérature particulière émerge.

Les intérêts de cette approche résideront dans un travail de compréhension des logiques sous-jacentes à Internet. Par exemple, nous essayerons de déterminer la qualité des stratégies entrepreneuriales au sein de ce secteur. Mais notre propos se voudra plus large car notre volonté sera d'établir un comparatif des éléments liés à la stratégie de petites structures évoluant sur un secteur en forte croissance [1]. En conséquence, nous observerons deux groupes d'entreprises : l'un lié directement à Internet, l'autre sans rapport direct.

Cependant, nous sommes conscient du danger d'avoir plusieurs thèmes au sein d'un travail unique. De ce fait, notre objet principal de recherche concernera la capacité d'autodétermination des PME. En d'autres termes, nous chercherons à savoir si l'entreprise de petite dimension peut élaborer des stratégies en marge des contraintes de l'environnement. Notre champ de recherche concernera les PME Internet. Notre terrain d'étude correspondra à des entreprises ayant leurs activités prioritairement tournées vers ce média. Cependant, nous pouvons nous demander si ce terrain d'étude est véritablement pertinent.


Présence du thème de l'Internet dans les recherches actuelles

L'Internet, et ses multiples facettes (NTIC, nouvelle économie), est progressivement pris en compte comme sujet d'étude dans les recherches en stratégie. En nous penchant sur les actes des cinq dernières conférences de l'Association Internationale de Management Stratégique (Montréal, Louvain, Paris, Montpellier et Québec) nous avons pu remarquer que l'étude de l'impact des NTIC sur l'organisation (Intranet, commerce électronique, Extranet) est l'aspect le plus souvent envisagé (Meissonier, 1998 ; Lejeune et al., 1998 ; Abecassis et Benghozi, 1999 ; de Vaujany, 1999 ; Amabile et al. 2000 ; Becheickh et Zhan, 2000 ; Bergeron et al. 2000 ; Chanal, 2000 ; Deltour, 2000 ; de Vaujany, 2000 ; Auclair et Bergeron, 2001 ; Donada, 2001 ; Vaast, 2001). En d'autres termes, il s'agira de réfléchir quant à la transformation du système d'information ou des méthodes de ventes d'entreprises issues de l'économie classique, tendant à les rendre "virtuelles". Des travaux porteront également sur Internet comme outil de collecte de données (Gueguen, 2000). Mais rares sont ceux qui abordent Internet comme terrain de recherche ou d'illustration (Asquin et Payaud, 2001 ; Gueguen, 2001), voire comme permettant une réflexion sur les spécificités de la nouvelle économie (Assens et Baroncelli, 2001 ; Pluchart, 2001).

La nouveauté de ce secteur d'activité, aux contours encore flous, est, sans aucun doute, une raison de cette absence mais il transparaît une volonté de la part de la communauté scientifique en management de mieux explorer ce phénomène. Pour preuve les récents numéros spéciaux ou appels à soumission des revues académiques portant sur ce thème (exemple : Revue Française de Gestion, Revue Internationale PME). L'étude de la nouvelle économie va reposer sur plusieurs orientations mais celles envisageant les entreprises de l'Internet comme un terrain de recherche sont encore trop rares. Pourtant, le développement de nouvelles entreprises sur ce secteur d'activité nous laisse préjuger d'un fort dynamisme, sans pour autant pouvoir statuer sur la pérennité et la réussite des modèles managériaux. De plus, s'il existe une spécificité de ces entreprises, les issues sembleraient particulièrement intéressantes. C'est ainsi que notre approche du secteur Internet ne doit pas être considérée comme liée à un effet de mode mais comme la volonté de raisonner sur un terrain d'étude aux implications importantes pour la stratégie des entreprises (Kalika, 2000).


Intérêt de l'étude de l'Internet

L'utilisation d'Internet et des nouvelles technologies de l'information est identifiée comme un facteur augmentant la turbulence des activités en place (redéfinition des pratiques marketing plus axées sur la globalisation ou l'interdépendance ; Roberts, 2000), ou comme un facteur modifiant profondément les bases de la concurrence (prédominance de l'information en tant que ressource stratégique ; Sampler, 1998). Cette technologie offre de fortes opportunités aux PME qui peuvent accéder à des marchés et à des partenaires jusqu'alors réservés aux grandes entreprises (Lorentz, 1997). Sans nul doute, Internet modifie les aspects tant stratégiques qu'organisationnels des entreprises mais il serait intéressant de mener une étude sur cette technologie identifiée comme un secteur d'activité où de nombreuses PME se destinent à une stratégie de croissance.

Le secteur de l'Internet est un secteur émergent qui tend, par certains aspects, à devenir un modèle d'économie. Les caractéristiques d'émergences peuvent se résumer par : une forte incertitude tant technologique que stratégique, une multiplicité de jeunes entreprises entraînant des réponses rapides du fait d'un horizon temporel court, des coûts initiaux de production élevés mais en réduction rapide et un rapport de mise en confiance avec les clients (Porter, 1980 : 234-238). D'autre part, la présence d'incertitude va conduire à des périodes d'imitation (Porter, 1996) durant lesquelles un équilibre concurrentiel ne sera pas encore obtenu. En somme, cette absence de règles du jeu concourt à diminuer la lisibilité de l'environnement qui influe sur le comportement du dirigeant de petites entreprises (Silvestre et Goujet, 1996).


Vers une reformulation des pratiques stratégiques ?

Internet et les NTIC sont considérés par certains comme une révolution (Lorentz, 1997). D'autres (Benghozi et Cohendet, 1999) estiment qu'il s'agit d'une révolution et d'une évolution. Brousseau (2001) ne penche pas pour la thèse de la révolution. Pour Venkatraman (2000), s'il y a révolution c'est surtout au niveau des entreprises qui restructurent leur chaîne de valeur via le commerce Business to Business. Afin de concilier les différentes possibilités, Meijaard (2001) utilisera la tournure "(r)evolution". La prise de conscience de l'ampleur de ces changements de la part des acteurs directs de l'Internet est pourtant bien présente (Gantz et al. 2000). Les avis semblent partagés mais démontrent bien l'importance de ce média et des technologies sous-jacentes dans l'émergence de nouveaux modèles économiques. Tout du moins, une faste période de croissance dans l'économie américaine a entraîné une réflexion sur l'émergence d'un éventuel cadre conceptuel qui trancherait diamétralement avec les règles communément admises. La question est de savoir si nos économies connaissent un brutal changement de paradigme rendant surannées les logiques économiques précédemment utilisées. De ce fait, les méthodes traditionnelles de management sont-elles toujours valables?

La réponse à cette question est loin d'être évidente. Dans les faits, il apparaît des modifications mais sont-elles pour autant durables ? S'adressent-elles à tous ? Il ressort que le concept de nouvelle économie est important, car pouvant influencer fortement notre compréhension de l'activité des entreprises modernes. Mais qu'en est-il exactement de cette éventuelle spécificité ? Pour certains, la nouvelle économie n'a rien de surprenant, il s'agit de l'évolution progressive des logiques de marché et de fonctionnement traditionnelles (Greenspan, 1998 ; Brousseau, 2001). De plus, est spécifique ce qui est différent et comme la diffusion de l'Internet, et par delà les ressorts de la nouvelle économie, se propagent à toutes les entreprises [2], nous pouvons nous demander s'il existe une particularité des entreprises qui oeuvrent directement sur ce média. A cette fin, nous allons nous intéresser aux caractéristiques stratégiques des entreprises de l'Internet et envisager leur rapport à l'environnement. Cependant, il nous faut trouver un angle d'approche. Nous pourrions rentrer dans une logique descriptive mais nous préférons opter pour une analyse causale permettant d'identifier les traits saillants de la relation environnement - stratégie.


Un cadre de réflexion : l'anti-déterminisme des PME

L'idée selon laquelle l'action stratégique ou organisationnelle découle de la perception de la situation (Bourgeois, 1985 ; Oswald et al., 1997 ; Braguier, 1993) peut nous entraîner à penser que l'interprétation de l'environnement de la part du dirigeant de PME l'amène à identifier un certain nombre d'orientations stratégiques. Pour autant, va-t-il obligatoirement retenir la stratégie qui apparaît comme la plus cohérente avec les nécessités du contexte ? Nous pensons qu'il peut préférer maintenir la cohérence interne plutôt que de rechercher un alignement continuel sur l'environnement (Miller, 1992). Et cette préférence pour la cohérence interne, au détriment de l'externe, n'affectera pas fortement le niveau de performance de la PME. De ce fait, nous considérons que la PME peut retenir des stratégies qui ne sont pas déterminées par le milieu environnant.

Ce travail de recherche repose donc sur un questionnement général : le comportement stratégique de l'entreprise de petite taille est-il contraint par l'environnement ? Notre réponse est que la PME peut développer des stratégies en marge des contraintes imposées par le contexte, notamment en ce qui concerne les PME de l'Internet.

Notre souhait, sera de mesurer l'importance de l'environnement sur la stratégie, sur la performance et sur la relation environnement - stratégie. En effet, la thèse de l'adéquation stratégique (Hambrick et Lei, 1985 ; Venkatraman, 1989 ; Drazin et Van de Ven, 1985 ; Venkatraman et Prescott, 1990) estime que la stratégie doit être en cohérence avec l'environnement pour atteindre un haut niveau de performance. De ce fait, les caractéristiques mesurables de l'environnement (complexité, dynamisme, incertitude, turbulence) sont supposées avoir un impact sur les caractéristiques mesurables de l'entreprise (stratégie, structure, performance). Comme nous nous consacrerons uniquement aux aspects stratégiques, les dimensions organisationnelles seront délaissées. Nous chercherons donc à mesurer plusieurs phénomènes incluant l'environnement. Ces mesures correspondent à nos cinq propositions de recherche que nous pouvons apparenter à des questionnements :

Proposition 1 : Les attributs environnementaux, stratégiques et de performance des PME sont différents selon le secteur d'activité.
L'intérêt sera de savoir si l'appartenance à un secteur d'activité (dans notre cas, il s'agira du secteur Internet) introduit une spécificité particulière. Par exemple, est-ce que certains comportements stratégiques seront privilégiés à d'autres ? Le niveau de performance des entreprises est-il significativement supérieur ?

Proposition 2 : L'environnement perçu des PME conditionne leurs choix stratégiques.
En d'autres termes, nous allons nous demander si les caractéristiques de l'environnement entraînent la sélection de stratégies précises. Ce type de relation a été envisagé par Miller et Friesen (1983).

Proposition 3 : Les stratégies des PME conditionnent leur performance.
Il s'agira de mesurer l'importance du choix stratégique de la PME dans l'obtention de sa performance en faisant abstraction des éléments exogènes. Nous évaluerons donc l'importance des décisions du dirigeant.

Proposition 4 : L'environnement perçu des PME conditionne leur niveau de performance.
Selon cette proposition, les états de l'environnement conditionneront le niveau de performance au sein d'un secteur. La perception d'une intensité environnementale élevée pourra conduire à l'obtention d'une efficacité particulière.

Proposition 5 : L'environnement perçu des PME modifie la relation stratégie - performance.
Il s'agira d'une proposition visant à tester l'effet modérateur de l'environnement. C'est la proposition qui envisagera avec précision la thèse de l'alignement stratégique. En d'autres termes, nous nous demanderons si pour un certain état de l'environnement, une stratégie particulière entraîne un niveau supérieur de performance.


Nous chercherons donc à vérifier la validité du modèle suivant :

Schéma i.1 : Modèle de la recherche

 

 

Si les propositions 1, 2, 4 et 5 se trouvent validées et la proposition 3 invalidée, nous serions en présence d'un déterminisme environnemental élevé. A l'inverse, les propositions volontaristes se trouveraient acceptées.

Mais avant de vérifier ces larges propositions, plusieurs questions se posent à nous.

Comment envisager théoriquement le rapport de la PME à son environnement ?
Pour ce faire, nous aborderons dans les grandes lignes les tenants du débat "déterminisme versus volontarisme" esquissé depuis "la théorie de la contingence" et sa controverse du "choix stratégique". Nous tenterons d'en envisager les aboutissants dans le cadre d'étude des PME. Si la conception déterminée de l'action stratégique des PME a longtemps prévalu, une remise en cause partielle a éclos dans les recherches concomitantes à notre travail. La PME peut se doter d'un espace de liberté lui permettant soit d'adopter une posture proactive, soit de développer des stratégies en liberté des contraintes de l'environnement (anti-déterminisme). Ce sera ce dernier aspect que nous aborderons directement. En effet, nous souhaitons privilégier la cohérence de notre travail et, de ce fait, nous remettons à plus tard l'étude du potentiel proactif des PME afin de nous concentrer sur l'autodétermination de ces entreprises.

Quelle méthode employer ?
Puisque nous cherchons à savoir si l'environnement a une influence significative sur le comportement stratégique et la performance des PME, nous nous plaçons dans une perspective déterministe, tout du moins dans la méthode. De ce fait, nous opterons pour une analyse classique en utilisant des techniques quantitatives directement héritées des théories déterministes (Venkatraman, 1989 ; Venkatraman et Prescott, 1990 ; Mc Arthur et Nystrom, 1991). En particulier, notre façon de procéder sera d'évaluer si une variable modératrice (l'environnement) joue sur la relation entre une variable causale (la stratégie) et une variable expliquée (la performance). Si l'importance de la variable modératrice s'avérait, notre perspective volontariste perdrait de sa substance. Nous faisons donc le choix d'une méthodologie classique. Pour autant, nous avons essayé d'être novateur en proposant une méthode d'investigation reposant uniquement sur l'utilisation d'Internet.

Comment appréhender notre terrain d'étude ?
Comme notre travail se veut plus large, nous avons adopté une perspective comparative avec des PME non Internet. En effet, s'il s'avérait que les entreprises de l'Internet sont spécifiques, nous ne pourrions généraliser nos résultats. De plus, il nous faudra pouvoir juger du degré de spécificité du secteur Internet dans l'étude de la relation stratégie - environnement. De ce fait, nous utiliserons deux groupes d'entreprises pour mener nos tests. La comparaison portera sur l'étude de l'influence de certaines dimensions de l'environnement généralement utilisées (complexité, incertitude, dynamisme, turbulence) dans l'obtention de la performance et de l'utilisation de comportements stratégiques. De ce fait, les dimensions de l'environnement sont envisagées comme des aides à notre recherche, nous servant d'indicateurs ; en découlera un ensemble d'hypothèses visant à détailler et tester notre thèse centrale. Afin de simplifier le travail de lecture, nous avons présenté cette modélisation dès notre introduction.

En conséquence, si nous décrivons notre processus de recherche général, nous pouvons reprendre la classification de Paturel (1998). En effet, il va s'agir d'une recherche extérieure à l'organisation (les données sont obtenues sans la présence du chercheur dans l'entreprise ; nous avons collecté les données par l'intermédiaire d'un questionnaire administré par Internet), à orientation hypothético-déductive [3] (des hypothèses issues de la théorie seront confirmées ou infirmées par des tests empiriques ; en l'occurrence, nous chercherons à infirmer les thèses déterministes), instantanée (nous nous placerons dans une perspective synchronique des données ; notre recueil des données s'est déroulé en une seule phase) et quantitative (nous souhaitons mesurer un ensemble de relations ; nous utiliserons des échelles pour quantifier des dimensions). De plus, nous adopterons une démarche positiviste en fonction d'informations collectées à partir d'un échantillon avec un traitement statistique explicatif.

En fonction de ces réponses partielles, nous adopterons un plan de recherche en quatre étapes:

1- Nous identifierons le volontarisme des PME en réfléchissant sur l'influence de l'environnement d'une façon générale puis nous mettrons en avant les particularités de ces analyses dans le cadre d'étude des PME (chapitre 1).

2- Nous présenterons ensuite notre modèle de recherche en fonction des variables (environnement et stratégie) retenues et nous réfléchirons quant à l'éventuelle spécificité de notre terrain de recherche (secteur de l'Internet). Le but sera d'évaluer les comportements stratégiques des PME en fonction de leur environnement (chapitre 2).

3- Les éléments théoriques envisagés, nous présenterons notre méthodologie de recherche. Nous commencerons l'opérationnalisation des mesures, présenterons notre méthode d'administration de l'enquête (qui utilise directement Internet) et vérifierons la qualité de nos mesures. Nous en profiterons également pour présenter les choix effectués en termes d'outils et de méthode (chapitre 3).

4- Les précautions méthodologiques effectuées, nous évaluerons concrètement l'émancipation environnementale des PME en fonction des résultats obtenus (chapitre 4).

Les deux premiers chapitres auront pour objectif de dresser le cadre d'étude de la relation environnement - PME (première partie) tandis que les deux derniers s'attacheront à évaluer empiriquement l'éventuelle pertinence de l'alignement stratégique des PME (seconde partie).

 

Notes :
1. Notre travail d'enquête s'est effectué durant le dernier trimestre 1999.
2. Pour Kalika (2000), "Tous les secteurs, tous les métiers, toutes les fonctions de l'entreprise ont été, sont ou seront bouleversés par Internet".
3. Comme le précise Paturel (1998), les recherches hypothético-déductives peuvent être assimilées aux recherches empirico-formelles.

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G. Gueguen - 2001
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